C’est arrivé de nulle part. Une douleur sourde envahit mon corps, je sens mon bas du ventre se crisper, mes jambes se contracter, mon visage se réchauffer, ma tête s’alourdir. J’ai envie de hurler, mais je n’y arrive pas, aucun son ne parvient à sortir de ma bouche, ce n’est pas le moment, pas le lieu.
Dans ma tête, l’angoisse ne fait que monter, je veux que ça s’arrête mais comment faire ? Ma chaise de bureau m’apparaît tout à coup si inconfortable que je dois me résoudre à m’assoir par terre, sur un sol peu engageant, pas taché mais poussiéreux. Pourquoi faut-il que ça arrive maintenant ?
J’ai repris le travail en présentiel deux jours par semaine seulement et évidemment ça se produit un jour où je ne suis pas en télétravail. Quand je réussis à me remettre debout, bien qu’en manque d’équilibre, je fouille tous mes sacs, poches et tiroirs à la recherche de mon médicament sauveur, en vain. Je suis surprise car ce n’est pas la première fois que ce genre de crises se produit, je suis donc censée en avoir dans mon sac en permanence et là rien. Le sauveur c’est Antadys, tu parles d’un sauveur… Je suppose que j’ai dû épuiser mon stock et oublier de le renflouer. Je m’en veux.
Je me mets à vomir, rien de solide, juste des quantités de bave qui se répandent en flux continu dans ma poubelle sans que je ne puisse interférer. Ça dure quelques minutes, puis j’ai envie d’aller aux toilettes. Oui, car mes crises menstruelles s’accompagnent toujours d’une gastro, un merveilleux combo à l’issue duquel je finis toujours à bout de force. Je ne suis alors plus qu’une loque tentant tant bien que mal de se déplacer. Je mesure ma « chance » d’être seule dans le bureau aujourd’hui et en plein mois d’août où l’activité est calme et les visites plus rares. J’aurais été bien embêtée de me trouver dans cette position devant mes supérieurs, devant qui que ce soit du travail en réalité.
Ça finit toujours par passer, mais ça peut aussi revenir très vite. Là, je sens que ça dure, l’agitation corporelle ne se calme pas, aucune posture ne parvient à me calmer, certaines sont insoutenables. Je me cache sous le bureau, dans l’espoir d’être invisible aux yeux des visiteurs potentiels. Néanmoins, je commence à me préparer psychologiquement à me relever, j’en appelle à mon mental, je parle dans ma tête, je respire lentement, j’ai mal mais je sens que j’en suis capable. Mon plan est tout trouvé : il faut absolument que je demande de l’aide, quelqu’un doit bien avoir un Doliprane dans ses tiroirs. Je ne peux pas attendre que ça passe, ça ne passe pas et je n’ai même pas la force de rentrer chez moi, mes jambes sont molles, j’ai peur de défaillir.
Je parviens à me tenir debout, ma tête tourne un peu mais je crois avoir suffisamment d’énergie pour atteindre le bureau d’en face et la perspective d’obtenir du paracétamol me motive. Une fois dans le bureau voisin, je présente timidement ma requête à ma cheffe. Forcément, en cette période épidémique, le moindre signal de maladie inquiète plus qu’habituellement. Il faut rassurer. Je connais mon corps, je connais ces symptômes, je connais ces crises, je ne suis pas inquiète parce que je suis certaine de ce qui se joue en ce moment dans mon corps. Ma cheffe, intriguée, m’interroge. J’explique. D’un coup, nous voilà basculées dans l’intime alors qu’on se connaît si peu. Ma crise ne me laisse pas tellement le choix. Elle compatit, m’explique que sa fille vit les mêmes crises. Elle n’a pas de Doliprane, mais parvient à en trouver dans les tiroirs de sa co-bureau absente ce jour-là. Ouf, je suis sauvée, au moins pour un temps.
Le médicament tarde à faire effet, autant quand je parlais, que j’étais en mouvement, j’arrivais à donner le change et faire illusion, autant le retour dans mon bureau me fait rechuter. Je suis à nouveau par terre en espérant que le médicament fasse effet dans une quinzaine de minutes, comme c’est généralement le cas. Je ne sens pourtant pas d’amélioration au terme de ce délai et toute cette agitation m’a épuisée, j’ai envie de dormir. Je finis par m’endormir quelques minutes, une dizaine de minutes. Au réveil, je n’ai enfin plus mal, mais la fin de la journée est déjà proche et je viens de perdre 2 heures de mon après-midi.